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Bombay parade
Olivier Le Naire - L'Express 03/11/05
Pour un Occidental à tendance dépressive, l'Inde est un moyen radical de noyer dans la masse son chagrin d'amour ou un vague à l'âme existentiel. Dans la moiteur du sous-continent indien, rien n'est résolu, certes. Simplement, on occupe son spleen; on lui donne quelques couleurs avant d'abandonner aux dieux ou à une femme le soin d'en faire ce qui leur plaira. Ainsi en va-t-il dans l'étonnant Bombay Parade d'Yves Charpentier. Né en 1959, à Troyes, cet énarque et centralien s'est frotté
à la littérature, entre 1999 et 2003, lors d'un séjour à Bombay, où il était consul général. Depuis, Charpentier a publié quatre livres, pour la plupart nourris de cette expérience indienne... Charpentier, à travers cette quête intérieure tournée en extérieurs, donne un grand roman errant, violent, puissant et bien écrit, loin des petites oeuvres à l'exotisme calibré que l'on nous sert si souvent sur l'Inde. Un livre choc, à l'image de cette gare de Bombay où les croyants prennent la mort comme une correspondance.
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Jean-Louis Ezine - Le Nouvel Observateur 15/09/05
Il est entendu depuis Blaise Pascal que le néant est la grande affaire de l'homme. "Il ne faut pas moins de capacité pour aller jusqu'au néant que jusqu'au tout", écrivait l'auteur des "Pensées sur la religion". Hasard ou discret hommage, le héros de "Bombay parade" s'appelle Blaise, Louis Blaise... Bombay, sa violence inouïe, la vie proliférante qui s'obstine jusque dans la mort, le spectacle d'une décomposition perpétuelle... Louis Blaise espère surtout y retrouver Mireille, sa compagne, devenue anorexique... Cherchant Mireille, il va rencontrer une déesse fatale, star du cinéma local dont il va devenir peu à peu le jouet, l'esclave, dans l'abandon tantrique (dirons-nous) de ses dernières défenses, de ses ultimes ressources, de son incurable dépit. Odyssée du désenchantement, servie par une écriture paradoxalement heureuse, "Bombay parade" déroule en somme l'oraison funèbre du héros occidental, sevré d'histoire et de désir. Bien entendu, l'Inde d'Yves Charpentier n'a sans doute pas beaucoup plus de réalité que celle d'Henri Michaux dans "un barbare en Asie", et c'est ce qui la rend justement incomparable. Nous sommes là dans ce que le poète nommait "le lointain intérieur", et Yves Charpentier, en maître écrivain sachant jouer sur la frontière où le tangible se dissout dans l'imaginaire, à moins que ce ne soit l'inverse, fait partie de ces rares artistes qui ont le don de plier le monde à leurs fantasmes. Du grand art, et à coup sûr une révélation.
Pascal Bruckner - Paris match 2003
(...) Yves Charpentier nous montre l'Inde à travers le filtre de son photographe qui ne s'effraie ou ne s'étonne de rien, mais enregistre la réalité, imperturbable, médite sur une élégante main de femme couverte de bijoux et dévorée par les crabes, rejetée un matin par les flots sur la plage de Juhu, se sent lui-même, au cours d'une cérémonie religieuse, "ballotté par une rivière d'hommes et de femmes mêlés, peau contre peau, sans sexe ni caste, mêlés à l'eau, à sa vase, aux égouts, à sa pureté". Histoire d'une chute et d'une résurrection, "Bombay parade" procède à un discret renversement des valeurs : sous le carnaval des liesses et des festivités, la mort y semble à la fin, pour le héros, parée de toutes les séductions de la connaissance et de la sagesse.
Revue de presse de
La gloire du rapporteur
Michel Crépu - Revue des deux mondes, sept. 2003
(...) donc Rabout, ses rapports, ses manies de se fouiller dans le nez devant son fils Clément, son ex-femme, sa philosophie du placard à toute épreuve. Le narrateur l'aime bien, il cède même, chemin faisant, à une fascination réelle : cela nous vaut un livre écrit d'une main très brillante, drôle, et qui bascule doucement dans le roman d'aventures propre à exciter la jalousie des meilleurs anglais. Yves Charpentier montre ici un talent hors pair de satiriste, de moraliste et de romancier qui devrait lui valoir un vif élan de curiosité. En tout cas, c'est ce qu'on lui souhaite pour ce début en littérature, un coup de maître.
Pascal Bruckner - Le Nouvel Observateur 09/10/03
Un nouveau Courteline
(...) Sur le concept insipide et creux de "mondialisation", Yves Charpentier, consul de France à Bombay, brode une jolie fable où l'on voit un fromager faire de la résistance en enterrant dans sa cave des camemberts avariés et des munsters dégoulinants, où l'on croise les diverses tribus verbeuses et radoteuses de l'antiglobalisation mais aussi le Club du Listeria qui empoisonne délibérément le brie et le bleu, le Miaf, Mouvement international pour l'Abolition des Frontières, les associations de vieux consuméristes, etc. Tour à tour émeutier, prophète et martyr, Rabout, secondé par un cavalier ouïgour, entame un périple qui le ménera en Inde, le seul pays, selon l'auteur, qui échappe à ladite mondialisation parce qu'il est déjà saturé de rires, d'images, de dieux et n'a pas besoin du monde extérieur. Métaphore de l'uniformité universelle, "la Gloire du rapporteur" est l'oeuvre d'un Courteline moderne qui a mesuré la vanité des slogans et l'inutilité des bureaucrates et rêve d'un destin plus intense loin des bordereaux et des mesquineries de la haute fonction publique.
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